Planifier et produire le TOD dans les banlieues du Grand Montréal – Juliette Maulat (2016)

Depuis la fin des années 1990, le Transit-oriented Development s’est imposé comme une figure incontournable de la planification urbaine des villes nordaméricaines (Cervero, Ferrell, et al. 2004). Conçu pour favoriser une maîtrise de l’étalement urbain et un report modal de la voiture vers les transports collectifs, le TOD est défini comme un projet urbain autour d’une station de transport collectif présentant une densité importante, une mixité de fonction et un design urbain favorable aux modes actifs (Calthorpe 1993).

Le Grand Montréal n’échappe pas à cet engouement nord-américain pour le TOD. La Communauté métropolitaine de Montréal a en effet adopté en 2012, un nouveau Plan Métropolitain d’Aménagement et Développement (PMAD) qui identifie 155 sites devant faire l’objet de projets de TOD. La mise en oeuvre du plan est en cours et la CMM a créé plusieurs outils pour favoriser la concrétisation des objectifs métropolitains, parmi lesquels une démarche d’appui à la conception de « projets novateurs ». L’adoption du PMAD s’est accompagnée ainsi du foisonnement de projets de développement autour des gares du Grand Montréal, concourant à une transformation sensible des paysages de banlieue qui semble dessiner l’émergence d’une « post-suburb » (Phelps et al. 2006).

En lien avec sa diffusion dans la planification métropolitaine, le TOD constitue actuellement un champ de recherche riche en urbanisme. Toutefois, si de nombreux
travaux traitent du modèle et de ses effets sur l’urbanisation et la mobilité, le cas du Grand Montréal et la question des processus concrets de mise en oeuvre du TOD à l’échelle locale ont été peu étudiés (Boarnet et Compin 1999; Dorsey et Mulder 2013; Dushina et al., 2015). Dans ce contexte, cette recherche postdoctorale propose de s’intéresser aux enjeux, processus et modalités concrètes associées à la mise en oeuvre de projets TOD dans les banlieues du Grand Montréal. L’objectif est de comprendre les mécanismes en jeu dans la territorialisation de ce modèle d’aménagement à l’échelle locale et de mettre en lumière les conditions, leviers et freins à la concrétisation de tels projets. Plusieurs questions guident ainsi cette recherche : Comment les orientations métropolitaines en matière de TOD sont-elles mises en oeuvre à l’échelle locale ? Comment les acteurs publics et privés conçoivent et négocient les projets de TOD ? Quels sont les stratégies et outils déployés pour accompagner leur concrétisation ? Quels facteurs favorisent ou freinent leur réalisation ? Quels changements dans les référentiels, les modes d’action et les pratiques d’urbanisme en lien avec le TOD ?
Pour traiter ces questions, cette recherche propose de croiser une analyse des instruments déployés à l’échelle métropolitaine pour accompagner la mise en oeuvre du plan métropolitain, et une analyse des processus à l’oeuvre à l’échelle locale, dans trois municipalités de banlieue. Le champ de cette recherche porte ainsi sur la planification et la production de projets de TOD impliquant une intervention importante des acteurs publics. Elle s’intéresse en particulier à des projets de TOD faisant l’objet de démarches innovantes de planification (projets novateurs) qui mettent en jeu des coopérations nouvelles entre acteurs de l’urbanisme du transport.Loin de traiter de l’ensemble des pratiques et processus associés à la production de projets TOD dans le Grand Montréal, ce travail se concentre sur des projets de type « Public Transit-oriented Development » (Hickman et Hall 2008) en banlieue.

Ce rapport revient tout d’abord sur l’état des recherches sur le TOD. Il précise ensuite le terrain d’étude, le cadre théorique, et la méthode choisie. Il expose ensuite les résultats de la recherche en trois temps. Nous revenons tout d’abord la planification du TOD à l’échelle métropolitaine et les instruments associés. Nous détaillons ensuite les processus locaux associés à l’élaboration de projets de TOD dans trois municipalités de la banlieue de Montréal (Deux-Montagnes, Candiac et Mont-Saint-Hilaire). Enfin, nous proposons une analyse croisée de l’étude à l’échelle métropolitaine et locale autour de trois entrées : le renouveau des instruments de planification et de pilotage du Grand Montréal, la différenciation des pratiques et projets locaux, le changement dans l’action publique urbaine en banlieue.