Les familles avec enfants dans les ensembles résidentiels denses : Une étude sur l’appropriation des espaces communs extérieurs

Une Bourse Focus Urbain 2022 a été attribuée à Sébastien Ferrand pour son projet de mémoire de maîtrise :

Depuis les années 70, en Amérique du Nord, la maison unifamiliale tient une place majeure dans les choix de résidence des familles avec enfants. De nombreux travaux de sociologues s’accordent d’ailleurs à dire que ce modèle incarne l’« American Way of Life » (Ghorra-Gobin, 2017) et les 20 000 personnes qui quittent chaque année la Ville de Montréal pour la banlieue, peuvent en témoigner. En effet, près d’un ménage avec enfants sur six a quitté la ville de Montréal pour sa banlieue entre 2011 et 2012 ce qui engendre une perte démographique très importante (Jean, 2014). Ces départs sont généralement justifiés par la difficulté d’accès à une cour privée dans des quartiers centraux et le souhait d’accéder à la propriété ou d’habiter en maison individuelle dans un secteur résidentiel tranquille, sécuritaire et accessible sur le plan financier. (Dubet, 2003). Outre le fait que ce type d’habitat soit rare dans des quartiers centraux, rendant sa valeur peu abordable, ces motifs nous éclairent sur les stéréotypes négatifs que subissent la ville dense et ses espaces résidentiels. Jugée comme non-sécuritaire et inappropriée aux enfants, il semble que les atouts qu’elle propose (proximité vis-à-vis des lieux de travail, écoles, commerces, etc.) passent en arrière-plan des motivations des familles avec enfants lors de leurs choix de résidence principale.

Pour répondre à ces désirs de maisons unifamiliales, les développeurs immobiliers bâtissent toujours plus et l’étalement urbain qui en découle ne cesse de s’accroitre, engendrant des problèmes environnementaux considérables (artificialisation des sols, pollution de l’air, etc.). En effet, ce type d’habitat ne peut s’envisager qu’autour de l’utilisation de la voiture individuelle pour accéder aux services urbains, aux lieux de travail et participer à la vie sociale (Marchal et Stébé, 2015) impliquant de fait, l’allocation d’une grande partie de l’espace urbain à la circulation automobile. Le maintien et l’attraction de familles avec enfants dans des quartiers centraux passe par une offre résidentielle à la fois abordable et satisfaisante sur le plan des aspirations spatiales des ménages. Si l’habitat multifamilial permet une certaine abordabilité, l’accès à des espaces analogues à la cour, pour permettre le jeu, demeure une attente des enfants et de leurs parents. Les aires communes extérieures des immeubles multifamiliaux peuvent jouer ce rôle, mais la cohabitation dans ces espaces et les interactions avec les riverains ne sont pas exemptées de tension. A quelques exceptions près, les espaces libres attenants aux habitations multifamiliales ont généralement été des impensés de la vie sociale dans les projets résidentiels (espaces résiduels ou réservés essentiellement au stationnement extérieur ou traités essentiellement comme espace de contemplation). Or, dans ce contexte de densification urbaine, le rôle des espaces libres attenant aux immeubles d’habitation devient essentiel, tant comme « poumon vert » de cœur de ville mais aussi comme « jardin partagé » des résidents, notamment des familles avec enfants. Il est essentiel aujourd’hui d’étudier ces espaces, notamment sous le prisme des familles avec enfants pour bien en cerner les enjeux, les attentes et les craintes de ce groupe vis-à-vis de leur appropriation et celles de leurs enfants.